lundi 18 septembre 2017

Vieillir gay en BD, est-ce forcément triste ?

Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment chez les auteurs de BD gays de plus de 50 ans, mais l'angoisse du vieillissement semble se manifester très fort. En juillet dernier, Ralf König a sorti outre-Rhin son nouveau roman graphique de Conrad et Paul, Herbst in der Hose, dans lequel Paul affronte la peur de vieillir comme lui seul sait le faire - c'est-à-dire en paniquant un maximum. Et voilà que Pochep, seul auteur gay publié régulièrement dans le mensuel Fluide Glacial, publie aux éditions du même nom Vieille Peau, où il est aussi question de la manière dont on peut continuer à plaire quand on vieillit.





Je dois dire, en toute franchise, que cette coïncidence me met profondément mal à l'aise. Dans le monde de la bande dessinée, les représentations des gays ne sont pas légion, même si de notables progrès ont été accomplis ces dernières années, mais celles des gays âgés sont carrément… euh… comment dire ça ? Quasi inexistantes. Oui, on va dire ça comme ça. parce que le seul exemple qui me vient en tête, c'est Au Coin d'une ride, le bel album de Thibaut Lambert aux éditions Des Ronds dans l'O.


Et voilà que pour une fois que l'on parle en BD de gays mûrs, voire âgés, l'image qui en est donnée est incroyablement négative. Alors, les auteurs ont parfaitement le droit d'aborder les thèmes qui leur tiennent à cœur et aborder celui-là ne serait pas un problème s'il y avait en contrepartie des représentations positives. Mais comme je viens de l'écrire, il n'y en a presque pas. Pourtant, la BD franco-belge est capable de montrer des vieux bien dans leur peau et pleins d'énergie (y compris pour la gaudriole). En témoignent Les Petits Ruisseaux de Pascal Rabaté et Les Vieux Fourneaux de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet, des histoires qui ont dépassé le cadre des albums puisque la première série a été adaptée au cinéma et que la seconde le sera aussi bientôt.
Eh quoi, pour qu'un personnage de BD de plus de 50 ans soit montré comme bien dans sa peau, il faut qu'il soit hétérosexuel ? Bien sûr, on pourra me dire : "Tu n'as qu'à en faire, toi, le genre de BD que tu voudrais voir." Et c'est bien ce que je fais en ce moment, pour le prochain numéro de La Revue LGBT BD : une BD racontant la rencontre de deux hommes d'âge mûr. Mais en même temps, j'ai bien conscience du peu d'impact que cette BD aura en regard de l'impact profondément négatif qu'auront celles de König et Pochep, autrement plus diffusées et lues. 
D'où, sans doute, le malaise dont je parlais plus haut.

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